Clint Eastwood: doux, dur…Et pas si dingue

Clint EastwoodIl a œil bleu perçant et des épaules larges comme ça. Et puis dans le sourire, toutes les séductions du monde. Clint Eastwood est une star incontestée. Alors que son dernier film «Honkytonk man» connaît un beau succès aux États-Unis, il a reçu le reporter de HHB chez lui. En exclusivité. Simplement et sans chichis.

Carmel, Californie. Une station balnéaire, un haut lieu de la bohème artistique (Jack London y possédait un ranch) près de San Francisco. Une Mercedes traverse à allure réduite DoloresStreet, l’artère principale de la ville. Au volant, un homme au visage anguleux, la peau tannée, les yeux cachés par des Ray-Ban foncées. La voiture se gare au parking du supermarché. L’inspecteur Harry descend. Des gosses le reconnaissent. C’est Clint Eastwood. Sa seule mission pour aujourd’hui: l’achat de bouteilles de Coca-Cola, de popcorns et de rasoirs jetables. Il regagne sa Mercedes. Destination; le ranch de Pebble Beach qui surplombe la côte du Pacifique. Une confortable maison construite en bois, entourée de granges et d’un immense parc où paissent des vaches et des chevaux sauvages. En haut d’une corniche, battue par les vents, Clint Eastwood va souvent contempler pendant des heures , les baleines er les loutres qui remontent vers le Nord. Loin d’Hollywood et du clinquant des stars, Clint Eastwood mène une vie tranquille avec sa compagne Sondra Locke, ses deux enfants Kyle (15 ans) et Allison nées du mariage avec Maggie, dont il s’est séparé en 1979. Tôt le matin, Clint Eastwood se livre à des exercices de musculation dans la salle de gymnastique du ranch, effectue quelques brasses dans la piscine pour se détendre. Un solide breakfast arrosé de jus de fruit, le voilà prèt pour attaquer la journée en pleine forme. Assis à son bureau, aux murs décorés des affiches de ses westerns les plus célèbres, Clint téléphone à Los Angeles, où se trouve la MalpasoCompany, sa société de production cinématographique. Un large sourire. Ses collaborateurs lui apprennent que son nouveau film « Honkytonk man » réalise un bon score dans les villes où il est sorti et que, pour une fois, les critiques des grands journaux sont favorables. « A ma grande surprise, Car ils ont plutôt tendance à m’éreinter, dit-il. Les critiquent me reprochent de jouer toujours le même personnage. Le dur chevalier des temps modernes, séduisant, cynique et à leurs yeux bête et méchant !». Une image qui pourrait bien changer avec «Honky tonk man». Producteur, réalisateur, interprète du film, Clint Eastwood n’a pas choisi la facilité. Le sujet n’est même pas commercial. L’Amérique des années 1930, pendant lagrande dépression économique. Red Stowall (Clint himself), un musicien ambulant, alcoolique, malade, sait qu’il va mourir sans avoir atteint la gloire. Il décide d’effectuer un dernier voyage. Un pèlerinage à Nashville, Tennessee, capitale de la country-music. Whit, son neveu, l’accompagne dans l’aventure. Interprète : Kyle Eastwood, le fils de l’acteur qui joue pour la première fois devant les caméras. Sur la route de Nashville, le père et le fils découvrent la scène. Clint à la guitare, Kyle au banjo. Ils chantent pour les bootleggers, les hors-la-loi, les «dirty cow-boys», les dames de petite vertu. Ils gagnent de l’argent à la manière de Woody Guthrie. Six semaines de tournage dans la région de Sacramento et dans la vallée du Tennessee, ont suffi à Clint Eastwood pour « Honkytonk man ». Une sorte de record à l’époque des tournages-marathons. «Oui, confirme le comédien-réalisateur, l’une des raisons pour lesquelles j’aime travailler en extérieur, c’est qu’il est plus facile de mobiliser une équipe de techniciens et d’acteurs afin de bien sentir l’esprit du film. Une ambiance que l’on obtient rarement dans l’environnement d’un grand studio. Les gens rentrent chez eux le soir et oublient la concentration sur le film. J’apprécie que les acteurs me proposent des idées. Si elles sont bonnes, cela améliore l’histoire. Je ne suis pas un dictateur sur un plateau. En revanche, j’aime respecter les délais de tournage car un film coûte cher. Il faut donc concilier la rapidité et le soin dans le travail. Unerègle que j’applique dans toutes mes productions ».«Honkytonk man» adapté du roman de Clancy Carlile par l’auteur lui-même, est l’occasion pour Kyle Eastwood d’avoir son premier rôle de vedette. «C’est en lisant le scénario que je me suis rendu compte, explique Clint, que le rôle pourrait être joué par mon fils. C’est sa première expérience au cinéma et sans me vanter, car je n’ai rien à voir là dedans, il se révèle un excellent acteur». Kyle avoue n’avoir pas été trop désorienté sur le plateau. «Mon père m’emmène souvent sur les films. Je connais l’équipe avec laquelle il travaille, en particulier son directeur de la photographie, Bruce Surtees. Cela a été dur, au début j’étais tendu, puis je me suis décontracté, mais je crois avoir été digne de sa confiance ». Tel père, tel fils ? « Pas du tout, répond Clint. Je suis content qu’il ait eu le rôle, mais dans le futur, ce sera à lui de prendre sa décision, s’il veut continuer au cinéma». Considéré aujourd’hui comme une «bankable star» (traduisez que sur son seul nom on peut monter une affaire) qui touche 5 millions de dollars par film, Clint Eastwood a pourtant mis du temps avant de connaître le succès. Né à San Francisco le 31 mai 1930, Clint Eastwood n’a pas eu la chance de vivre une enfance stable. Son père, comptable, connaît les affres du chômage. Il entraîne sa famille de ville en ville, Clint se sent proche des vagabonds, d’où son caractère assez individualiste. Résultat : le jeune homme apprend à ne compter que sur lui-même face à la rigueur de l’existence. Quand ses parents posent définitivement leurs valises à Oakland, Clint n’a qu’une solution : s’inscrire dans un lycée technique afin de se consacrer à des activitésextrascolaires. Avec ses 1,93 m, il devient l’une des vedettes de l’équipe de basket, faisant la loi sous les paniers grâce à ses qualités athlétiques et d’adresse. A dix-huit ans, diplômé de la Oakland Technical High school, il quitte le foyer familial pour l’Oregon. La ville pour la forêt. A Springfield, il s’installe bûcheron à 1,80 $ par jour. L’absence de travail l’hiver l’oblige à partir. Il rejoint Seattle et se retrouve ouvrier métallurgiste dans l’enfer des hauts fourneaux. Son service militaire constitue son premier rendez-vous avec le cinéma. Alors que sous la bannière étoilée il est maître-nageur à Fort Ord, débarquent les studios Universel. «Une équipe avait loué le fort pour y tenter un bout de film, raconte-t-il. On m’a proposé de faire un bout d’essai». Clint accepte l’offre. Il joue une scène avec David Janssen (le héros du feuilleton «Le fugitif »). Il observe longuement le comédien. Ses préjugés à. l’égard de ce métier lui apparaissent injustifiés. Libéré de l’armée, en février 1953, il se rend chez Universal. Le metteur en scène qui lui avait proposé un bout d’essai a changé de major compagnie. Dans l’ombre, sa future femme Maggie Johnson l’encourage : «Je suis sûre que tu es fait pour être acteur». Oui, mais les débuts dans la capitale du 7e art sont rudes : employé comme terrassier, Clint creuse les piscines de Beverly Hills en songeant qu’un jour peut-être on creusera la sienne… Maggie et Clint se marient le 19 décembre 1953. Le lendemain matin, Universal appelle Eastwood : les tests qu’il a passés sont positifs. L’apprenti-acteur signe un contrat de six mois. Premier’ rôle: «La revanche de la créature» de Jack Arnold en 1954. Un film fantastique, suite de «L’étrange créature du lac noir» (vu à la télévision, en relief, dans «La dernière séance» d’Eddy Mitchell). Clint est un assistant de laboratoire qui transporte des souris dans les poches de sa blouse blanche. Ensuite, plus rien ou presque. Période noire. Alors que son copain David Janssen progresse dans les génériques. Pire. Maggie tombe malade. Plus d’argent. Mais tous ces malheurs vont se transformer en chance. La RKO, la maison de production du milliardaire Howard Hughes, l’engage dans une comédie « The first traveling sales lady » en 1956. A l’affiche: Ginger Rogers et Carol Channing. Il enchaîne avec «Escapade au Japon» sous la direction d’Arthur Lubin. Mais Hughes ferme les portes des studios RKO. Eastwood est à nouveau chômeur. Pourtant, il décroche un petit rôle de motard dans une série télévisée «Higwaypatrol» chez CBS. Encore un passage à vide. Fin des années 1950, les Américains le voient apparaître dans un feuilleton, «Raw- hide». Des épisodes de western où Clint Eastwood interprète un convoyeur de bétail. Dela poussière, de la sueur et des larmes, le tout sur une musique de Dimitri Tiomkin, chantée par le rocker, Frankie Laine. Et un succès populaire qui lui vaut de devenir une star du petit écran pendant sept ans. On le voit à la une de TV Guide (le plus gros tirage des hebdos US). Début 1964, «Rawhide» s’arrête. A cette époque, un certain Sergio Leone (qui se cache sous le pseudonyme de Bob Robertson !), lui propose un western. En Espagne ! Pourquoi pas ? Almeria peut ressembler au Nouveau Mexique… « Quand j’ai vu EastWood à la télévision américaine dans «Rawhide», j’ai été séduit. Il ne disait pas un mot, mais il montait bien à cheval. Il avait une drôle de façon de marcher avec un air fatigué… ». L’aventure est risquée. Clint, contre l’avis de son agent et de ses proches, décide de la tenter. Etonnant : la barbe, le poncho troué, et bien sûr, vous le devinez.., le fameux cigare au coin des lèvres. Il entre dans la légende du spaghetti-western. L’ange exterminateur, c’est lui. Trois succès : « Pour une poignée de dollars» (1964), « Et pour quelques dollars de plus » (1965) et «Le bon, la brute et le truand» (1966). Joli tiercé.

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